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De cruche en carafe[One-Shot] de Clément Imperial



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Informations

» Auteur : Clément Imperial - Voir le profil
» Créé le 03/02/2010 à 20:05
» Dernière mise à jour le 03/02/2010 à 20:05

» Mots-clés :   Absence de combats   Absence de poké balls   Fantastique   One-shot

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Chapitre unique
Bien avant le monde technologique et la perte des valeurs morales allant avec lui, le monde ancien était déjà tombé dans le puits sans fond de l'inhumanité.

Vivait en ce temps-là une jeune fille appelée Tanya. Ses cheveux châtains retombaient dans son dos en une cascade soyeuse et lorsqu'on plongeait dans le bleu immense de ses yeux, on avait l'impression de sombrer dans les profondeurs de l'océan. Un océan de tristesse.
Malgré tous ses beaux attraits, elle ne portait qu'un haillon gris de poussière.
Oui, elle n'était qu'une esclave.

Une grande cité se dressait là, étalant fièrement ses murailles de marbre blanc miroitant au soleil.
Les maisons à l'intérieur avaient toutes la taille et l'allure de véritables palais : ornées d'ambre et de nacre, d'or et d'argent, de tous les matériaux les plus rares et les plus précieux.
Mais, derrière ce décor somptueux et idyllique se cachait la vérité, une vérité honteuse, détestable et misérable.

Cette cité si prospère était en fait la cité où le marché aux esclaves était roi : les demeures si richement décorées avaient été payées avec la vente d'êtres vivants... Dans cette ville, même les Pokémon étaient mieux considérés que les esclaves, alors que tout le monde aurait dû être sur un pied d'égalité.

Tanya appartenait à un couple irascible.
Ils n'en avaient pas vraiment l'utilité, mais comme elle leur avait été offerte par des amis, ils la gardaient à leur service.

Elle se trouvait à ce moment-là en train de puiser de l'eau dans une grande fontaine de jade.
Elle avait en main une vieille cruche marron clair tachée de larges auréoles noires.
C'était un banal vase de terre cuite, mais c'était le seul objet que Tanya pouvait toucher sans se faire battre.
Elle remplit rapidement sa cruche, puis contempla un instant la fontaine voisine, en tous points semblable à la première, si ce n'est qu'elle était incrustée d'améthystes.
Un écriteau finement décoré précisait que c'était une fontaine à vœux : si l'on y jetait une pièce d'or, nos moindres désirs pouvaient être exaucés.
Tanya ne possédait rien, à part peut-être ses guenilles, il lui était donc impossible d'avoir la moindre piécette.
Elle saisit la lourde cruche pleine, jeta un dernier regard vers le bassin aux améthystes et prit le chemin du retour, les épaules un peu plus basses.

Arrivée chez ses propriétaires, elle ouvrit la porte et vit le Persian domestique de son maître.
Elle soupira : les esclaves n'avaient pas le droit d'avoir des Pokémon. Elle aurait pourtant tellement aimé avoir un petit compagnon à qui confier sa peine. Quelqu'un à serrer dans ses bras quand son cœur débordait de tendresse refoulée.

Elle traversa une grande salle somptueusement décorée, longea la longue table en bois de cyprès et se rendit à la cuisine pour y déposer sa cruche. Puis elle passa à l'arrière, dans une pièce beaucoup plus exiguë. Sombre et vide. Avec pour tout meuble une paillasse sur le sol.
Trop épuisée par sa longue journée de corvées pour faire quoi que ce soit d'autre, Tanya se coucha aussitôt, ferma les yeux et plongea dans le bienfaisant oubli du sommeil.

Elle fut réveillée brutalement par un coup de balai dans les côtes. Peu puissant, mais suffisamment douloureux pour la faire sursauter.
Elle se redressa et vit qu'on avait déposé une gamelle de nourriture à côté de sa paillasse. Elle s'empressa de l'avaler. Non pas parce qu'elle appréciait particulièrement cette bouillie tiédasse et sans saveur, mais parce qu'elle savait qu'elle n'aurait rien d'autre de la journée. Elle ne pouvait pas se permettre de faire la difficile.

Sa maîtresse se tenait devant elle, ses cheveux noirs soigneusement tirés en arrière en un impeccable chignon. Elle la fixait de son regard d'acier et commanda d'une voix froide et dure :
-Debout, esclave ! Tu crois peut-être que je te nourris à ne rien faire ? Va donc chercher de l'eau !
Tanya se leva sans broncher, prit la même cruche que la veille et refit le long chemin vers la fontaine pour aller la remplir.


Sur le trajet, elle fit un détour pour admirer le temple.
Il était d'architecture sobre, circulaire, avec un toit en forme de dôme, et ses murs étaient ornés de fresques décrivant la cosmogonie des Pokémons légendaires. Elle s'arrêta tout particulièrement devant celle des trois elfes. Elle avait appris qu'ils étaient les gardiens du savoir du courage et des émotions. Elle s'attarda un peu en les contemplant, puis elle continua de marcher.

Tanya arriva près d'une antique cathédrale.
Là, elle soupira. Comment des hommes aussi cupides et maléfiques que les habitants de cette ville pouvaient-ils prier des dieux sans aucun remords ?
Elle poursuivit sa route, croisant quelques esclaves qu'elle salua gentiment. Même sans connaître les autres, savoir qu'ils partageaient les mêmes souffrances qu'elle lui suffisait pour éprouver de la compassion.
Lorsqu'elle passait devant des hommes ou des femmes libres, elle devait faire une courbette avant de continuer de marcher.
Elle finit par arriver devant les fontaines. Comme la veille, Tanya remplit son vase et reprit le chemin du retour, tenant la lourde cruche contre sa hanche pour la soulager un peu du poids qui pesait dans ses bras.

La tête dans les nuages, l'esclave rêveuse arriva chez ses maîtres.
A peine eut-t-elle posé la cruche qu'elle se prit une gifle. Une gifle assez puissante pour l'envoyer à terre.
Elle redressa la tête pour voir le visage furieux de son maître, un homme brun au regard de fou.
-C'est à cette heure-ci que tu arrives ? Tu as encore traîné en route, esclave fainéante
Tanya se releva, pour se prendre une seconde gifle qui lui fendit la lèvre et l'envoya à nouveau au sol.
Son maître annonça :
-C'est tout pour cette fois, mais je ne serai pas toujours aussi calme...

Persian, attiré par l'odeur du sang, s'approcha de la jeune femme avec la ferme intention de lui prélever un morceau de chair tendre.
Il bondit et enfonça ses griffes dans le ventre de l'esclave. Mais rappelé in extremis par son maître, il fut interrompu dans son élan.
Il miaula de déplaisir et retourna dans son fauteuil de velours rouge.

Tanya se précipita dans le réduit que ses maîtres appelaient "chambre de l'esclave" pour vérifier les dégâts que le félin lui avaient faits.
Elle constata avec soulagement que les griffes n'avaient fait qu'effleurer sa peau.
Elle soupira, s'allongea sur sa paillasse et s'endormit aussitôt, vaincue comme d'habitude par la fatigue des ses dures corvées.

Au milieu de la nuit, une voix dans sa tête la fit sortir du sommeil. Cette voix n'était autre que son instinct de survie.
Effectivement, devant elle se tenait le Persian qui la regardait avec gourmandise.
Quand il vit qu'elle était réveillée, il miaula de dépit et retourna s'allonger.
Tanya sentit des sueurs froides lui couler dans le dos.

Le lendemain, elle fut chargée de nettoyer les placards de la maison. C'était une tâche qu'elle avait déjà faite la semaine précédente, mais ses maîtres se plaisaient à lui faire recommencer souvent les mêmes corvées.
Pendant qu'ils déjeunaient, elle vida donc consciencieusement la grande armoire d'ébène de la chambre du couple. Et là, coincée entre les lattes du fond, elle trouva une pièce d'or. Probablement tombée d'une poche de pantalon quand son propriétaire l'avait suspendu.

Que devait-elle faire ? Son honnêteté lui soufflait de remettre la pièce à ses maîtres. Mais d'un autre côté, elle ne leur devait rien... Le problème était que s'ils la surprenaient en possession de cette pièce, elle risquait d'être battue à mort. Elle trouva vite la solution.

Ses maîtres vaquaient à leurs occupations. Alors, très lentement, Tanya alla jusqu'à la cruche. Oui, la vieille cruche marron, sa seule amie.
Elle y déposa discrètement l'objet tant convoité et, élevant la voix, demanda :
-Puis-je aller remplir la cruche ?
Le maître répondit :
-Oui, esclave, vas-y, mais ne traîne pas !

Tanya courut à travers la ville, ce qui provoqua les cris d'indignation des gens libres qui considéraient cette précipitation comme un outrage.
Arrivée aux fontaines, elle s'arrêta devant celle aux améthystes.
Elle y jeta la pièce et fit son vœu :
-Si cette pièce et cette fontaine ont le moindre pouvoir, qu'elles me délivrent de cette vie inutile qui ne m'apporte que malheur et désespoir !

L'eau du bassin se mit alors à bouillonner et trois formes auréolées de lumière en sortirent.
Tanya les reconnut, c'étaient les trois elfes qu'elle admirait sans cesse sur les fresques du temple.
Les trois silhouettes se matérialisèrent, se posèrent en triangle autour d'elle et récitèrent des mots dans une langue inconnue, la langue des légendaires.
A la fin du rituel, la jeune fille avait perdu son apparence humaine et s'était transformée en une sphère lumineuse.
L'un des elfes incrusta cette sphère dans la vieille cruche en terre cuite, qui aussitôt se métamorphosa en une belle carafe de cristal richement ornée d'or et de diamants.
Le vœu de Tanya était exaucé : elle était désormais un objet utile, dépourvu de tout sentiment qui aurait pu la rendre malheureuse...

Seule une personne avait assisté à la scène, une jeune esclave en haillons, aux épaules basses et au regard lourd de détresse. Elle ramassa respectueusement la précieuse carafe et la contempla avec des yeux remplis d'espoir. Puis elle s'en retourna vers la maison de ses maîtres en la serrant très fort contre sa petite poitrine décharnée.

Ses maîtres, qui n'étaient ni pires ni meilleurs que tant d'autres, furent étrangement fascinés par l'objet et voulurent absolument remercier la jeune fille de le leur avoir apporté : ils signèrent un contrat lui rendant sa liberté.

C'est ainsi que fut affranchi le premier esclave de l'ancien monde.


Mais l'ancienne esclave avait enduré tant de supplices qu'elle ne pouvait rester insensible au malheur des autres.
Elle écrivit donc un livre qu'elle intitula "le livre de la vérité".
Ce livre changea le monde, la vente d'esclaves fut interdite et le monde connut des siècles de paix.

Malheureusement tout a une fin et les siècles de paix furent remplacés par des siècles de technologie, de politique et de guerres.
Les notions simples comme la liberté, l'égalité furent oubliées... en attendant qu'une Tanya moderne nous guide à travers les ténèbres...