Cette histoire commença près de la ville de Joliberge. L'hiver s'était installé depuis presque une semaine et les premières neiges étaient tombées ce jour-là. Ouisticram errait dans la bise du soir. Il était seul et triste. Il y avait quelques temps qu'il s'était enfui de chez son dresseur, qui ne s'occupait plus assez de lui et le laissait tout le temps enfermé dans sa PokéBall. Pourtant ce soir-là, il aurait tout donné pour retrouver le confort de sa vie d'avant qu'il avait abandonné. Mais il était trop tard. Epuisé, grelottant, il s'allongea sous un arbre qui avait lui aussi été victime du froid et pris le soin d'éteindre sa flamme. La dernière chose qu'il entendit avant de sombrer dans un sommeil profond fut le chant grave et triste d'un Hoothoot au-dessus de sa tête.

Un peu plus loin, au cœur de la ville, un jeune garçon était lui aussi resté éveillé. C'est bien connu, la neige excite les enfants, et celui-là tout particulièrement. Car avant, Amaury habitait loin, dans une région où la neige ne tombait jamais. En regardant par sa fenêtre close, il pensa aux batailles de boules de neiges qu'il pourrait faire le lendemain avec ses amis. Il ouvrit la fenêtre pour fermer les volets et sentit sur sa joue l'ai vivifiant de l'hiver. Tout heureux, il referma la fenêtre et se glissa sous ses draps.

Le lendemain matin, le réveil fut difficile pour le petit Ouisticram. Il était si épuisé de sa journée de la veille qu'il aurait pu rester allongé encore une bonne heure. Mais une fois réveillé, le froid le mordait et il aurait été impossible de l'ignorer. Il se leva donc et commença à faire sa toilette. Il entreprit ensuite de partir à la recherche de nourriture. Les baies se faisant rares, il n'avait pas mangé depuis deux jours et il était affamé. En chemin, il croisa un groupe de bébés Etourmi qui paraissaient en plus mauvais état que lui. Ne pouvant rien pour eux, il passa son chemin. Il finit par trouver quelques baies Pomroz. Il en mangea quelques-unes en route et en donna une aux bébés Etourmi. Ils lui offrirent en échange quelques plumes pour qu'il se fasse une couverture. Il les remercia puis retourna sous son arbre. Il déposa les baies et commença à en grignoter une, en appréciant le silence alentour. Silence éphémère, car au loin se mirent à crier des enfants.

Parmi les enfants en question, il y avait Amaury. Avec ses amis, il faisait de la luge aux quelques endroits pentus que l'on pouvait trouver. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas amusé comme ça. Avec la vitesse, le vent sifflait autour de lui et il sentait parfois quelques flocons venir s'écraser sur son visage. Il aurait voulu que ces instants de bonheurs durent encore toute la journée, mais il devait rentrer chez lui, au chaud, pour déjeuner de la délicieuse soupe que sa maman lui avait préparé pour se réchauffer. A grand regret, il prit le chemin du retour.

Ce soir-là Ouisticram ne s'apitoya pas sur son sort comme tout les autres soirs. Il prit les plumes d'Etourmi et s'en fit rapidement un petit duvet. Il le posa à côté de lui puis il s'assit au milieu de l'herbe gelée et regarda au loin, dans le vague, l'horizon incertain. Le mois de Décembre était passé si vite ! Noël déjà fini, et le jour de l'an qui approchait à grand pas ! Mais lui n'avait pas eu de cadeaux. Son souhait aurait juste été d'avoir quelqu'un d'autre que la nuit à qui confier ses peines. Et accessoirement quelqu'un avec qui passer du bon temps. Mais il n'y avait plus personne ici, tous ou presque avaient un toit et un compagnon. Résigné à ne pas céder au désespoir, il prit le doux duvet de plumes et s'en retourna sous son arbre.

Puis arriva ce fameux matin du 31 Décembre. Amaury se leva d'un bond de son lit. Il déjeuna d'un bon chocolat chaud et d'une tartine au miel de Floraville. Puis il fila s'habiller. Une polaire, un blouson de ski, des boots... Paré pour affronter le froid, il partir à toutes jambes en criant à sa mère qui était dans le salon qu'il serait de retour pour le souper de ce soir, qui serait aussi le souper du premier de l'an. Il entreprit de se rendre sur la route d'à-côté pour faire un bonhomme de neige avec de la neige qu'il espérait plus fraîche qu'en ville. Une fois sur place, il vit un gros tas de ce qui lui semblait être de la neige juste contre le tronc d'un arbre dénudé. Il s'avança pour la prendre, mais lorsqu'il la souleva, il eu la surprise de sa vie...

Ce qui acheva de réveiller Ouisticram fut qu'il sentit que sa douillette couverture venait de s'envoler. D'un geste machinal, il tendit le bras et referma la main sur son duvet bien chaud... qui ne voulait pas bouger d'un pouce ! Surpris, il ouvrit brutalement les yeux, et, une fois habitué à la lumière aveuglante du jour, il vit qu'il tenait en fait... une grosse botte de ski. En déduisant qu'elle ne tenait pas toute seule, il leva le regard et découvrit... un humain ! On ne saura jamais qui a crié le premier, mais ce qui est sûr, c'est qu'ils eurent tout deux une belle frayeur ! Ce fut Amaury qui se ressaisi le premier. Il dévisagea Ouisticram, puis lui demanda immédiatement :

- Je vois que tu es tout seul : veux-tu faire un bonhomme de neige avec moi ?

Ouisticram s'arrêta de paniquer et releva la tête d'un air intéressé, pour finalement acquiescer d'un hochement de tête.

Le soir commençait à poindre lorsque ils achevèrent leur créature de neige. Ils reculèrent d'un même pas et contemplèrent tout deux le résultat.

- C'est magnifique, s'extasia Amaury
- Ouisti, ouisti-ouisticram

Tout d'un coup, Amaury se souvint de la promesse faite à sa mère le matin même. Il laissa échapper un petit cri, avant de s'exclamer :

- Désolé, Ouisticram, mais je dois partir. Au revoir !

Mais Ouisticram ne l'entendait pas de cette oreille : alors qu'Amaury était déjà en train de rentrer chez lui, il lui courut après lui et l'attrapa par la main. Amaury fit un bref arrêt, tourna la tête vers le sol et continua son chemin. En gardant la petite main gelée dans la sienne.

Ce soir-là Ouisticram ne dormit pas dehors mais bien au chaud, à-côté de son nouvel ami. Cette époque lui semblait déjà si lointaine... Comme si elle n'avait jamais existé. Une toute nouvelle vie de bonheur et d'amitié commençait. Et il savait que cette vie allait durer très, très longtemps.