"Un certaine curiosité

Les nuages se faisaient grisonnants, l'humidité flottait dans l'air comme un esprit errant, et fit bientôt place à une abondance de flocons tombants. C'est sur ses premières sensations que je découvris pour la première fois l'hiver. J'observais de loin des humains s'amusant, criant, s'exclamant à la vue de cette matière d'un blanc éclatant et étonnamment froide. Mais pour un phyllali comme moi, je dois avouer que cette arrivée ne fut pas l'une des plus joyeuses.
Intrigué par ce phénomène, je me rendis rapidement compte de la dureté de la situation. En effet, la forêt ou j'habitais en compagnie de ma famille, était étrangement calme. Les hordes de mystherbes, d'ordinaires joyeuses et festives, se pressaient pour se mettre à l' abri. Les paras et les grainipiots s'étaient regroupés sous des souches d'arbre. Quant à moi, ma curiosité me poussait à dépasser les limites qui m'étaient fixées, bien décidé à percer le mystère de ce que certains appelaient, la neige.
C'est avec cet état d'esprit que j'entrepris une petite escapade improvisée. Jamais depuis ma naissance je n'avais vus de plaines aussi éclatantes. Il est vrai que malgré moi j'étais émerveillé par cette abondance de clarté. Mais après plusieurs minutes de marche intensive, je sentis comme une faiblesse dans ton le corps. Je me rappelais à cet instant ce que mon père m'avait enseigné ; nous les phyllalis, sommes habitués aux rayons du soleil, et le moindre manque de luminosité peut nous être fatal. Mais ce ne fut pas une raison pour abandonner.
J'arrivais bientôt aux abords d'une petite ville, jonché de petits arbustes arborant une couleur verte chatoyante, orné d'une épaisse couche de neige frêle qui tombait au moindre contact. Etant issu de la nature même, cette vision me donna des frissons dans toute l'échine. J'étais là, à admirer cette curiosité, l'admirant, l'examinant, quand un enfant vînt se planter devant moi, le regard ébahi. Il était vêtu d'un épais manteau rouge, d'un bonnet de la même couleur, et d'une écharpe verte, contrastant avec le paysage. Pendant long moment, nos regards se sont échangés, ni l'un ni l'autre ne voulions bouger, de peur d'une réaction trop hâtive et maladroite. Puis enfin, il ouvrit la bouche, et exprima quelques mots dans un langage qui m'était totalement inconnu :
« Salut toi ! Tu veux jouer ? »
D'un geste prudent, il me caressa doucement la tête. Ses mains étaient froides, mais son geste me rassura. De suite je compris qu'il ne me voulait aucun mal, et d'un geste affectif, lui lécha la main, pour lui montrer que moi non plus n'était en aucun cas hostile.
C'est ainsi que durant plusieurs heures nous jouions ensemble, courant d'un point a un autre, des étincelles plein les yeux. Soudain, je m'arrêtai en pleine course ; le froid paralysait mes membres, et je fus dès lors incapable de faire le moindre geste. Croyant à une plaisanterie, le garçon s'approcha de moi, et me poussa gentiment ; je m'écroulai telle une brindille sous le poids de l'eau. Apeuré, il essayait en vain de me réchauffer. Tout mon corps tremblait, je n'arrivais même plus à ouvrir les yeux. Je sentis une force me soulever, et m'emmener loin d'ici. C'était sans doute le père du garçon, car il avait le même visage, les mêmes yeux étincelants qui devaient faire de lui un homme respectable. Il me déposa dans un panier en osier, et m'enroula dans une couverture d'une douceur et d'une chaleur qui me plongea dans un profond sommeil. Quand je fus réveillé, j'aperçu devant moi le petit garçon, assis sagement, attendant sûrement patiemment mon réveil.
« Ça va mieux ? Tu m'as fait très peur tu sais. »
Il s'approcha de moi, et me caressa la tête, comme il le fit quelques heures auparavant. Il me tendit un objet rond et cru, dans lequel se trouvait un liquide blanc qui me rappelait ma mère, et mon premier éveil dans ce monde. D'abord méfiant, je lapais avec précaution le liquide, avant de l'avaler tout entier sans en laisser une goutte.
« Tu avais faim hein ? »
A cet instant, je venais de comprendre malgré moi ce qu'il venait de dire, et d'un regard admiratif, lui montrait ma gratitude.
Soudain le père du garçon s'approcha de son fils :
« Ah, je suis content qu'il aille bien, nous allons pouvoir le ramener chez lui. »
Le garçon se tourna vers son père, avec un air grave :
« Mais... on ne peut pas le garder ? »
- Voyons Tom, il a une famille, tout comme toi, et ils doivent sûrement s'inquiéter de sa disparition »
- Bon...
Je fus rapidement guéri, et quelques minutes plus tard, je me sentais à nouveau apte à gambader dans ce froid. Mais au fond de moi, quelque chose me manquait ; ma famille. Cela devait faire un long moment depuis ma petite escapade, et ma mère, qui gardait le terrier, devait s'inquiéter de ne pas me voir revenir.
J'eu à peine le temps de me revenir à la réalité que le garçon s'approcha de moi et me dit :
« Moi et papa on va te ramener chez toi »
Il avait l'air triste, mais se consola en me serrant fermement dans ses bras. Durant plusieurs minutes, nous marchions, moi en tête, leur indiquant le chemin où se trouvait la forêt. Je sentais encore ce froid qui me paralysa il y a quelques minutes, mais je fus bien décider à le combattre. Après une demi-heure de marche, nous étions arrivé à la lisière de la forêt, et là, devant moi, se tenait moi père accompagné de ma mère. Je crus d'abord qu'ils me puniraient, mais ma mère se pressa et se frotta de toute ses forces contre moi. Mon père fit de même, et m'expliqua qu'ils m'avaient cherché durant plusieurs heures.
Peu après nos retrouvailles, je me tournai vers le petit garçon, m'approcha, et me frotta contre lui. Lui me serra encore une fois dans ses bras, me faisant sentir sa chaleur qui m'apaisa.
Un dernier regard, puis je devais partir, rejoindre mes frères et sœurs, auprès de mes parents.
Depuis ce jour, chaque hiver, je prends plaisir à me remémorer cette histoire, qui me rappelle que si les humains eux apprécient cette saison, nous, nous devons faire face à un démon qui peut nous affaiblir à chaque instant."